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Annales_Pharmaceutiques_N_09_septembre_2015

Annales n° 9 - septembre 2015 Dialogue — 29 Dialogue Les pharmaciens en tiennentils trop peu compte ? Lorsque je prépare un cours, je me demande: « Qui est assis en face de moi ? » Beaucoup d'enseignants n’en tiennent pas compte et n’adaptent pas leurs cours au public cible. Les pharmaciens commettent eux aussi cette erreur. Ils se laissent aveugler par « des conditions exceptionnelles, un présentoir pour le comptoir, une grande pancarte » et ils perdent les besoins de vue. Y a-t-il un problème dans l'installation de la pharmacie moyenne ? Les aménagements ne sont pas dictés par les besoins, mais par l'offre commerciale. Généralement, ils ne sont donc pas au service des soins pharmaceutiques. Le pharmacien évolue ainsi sur la corde raide entre soins et commerce. Si les soins ont augmenté, le commerce aussi. Les pharmaciens sont trop influencés par l’offre externe. Ils se laissent séduire par des techniques de vente sophistiquées. Résultat: un comptoir design avec trop de présentoirs et trop peu de confidentialité, des écrans avec des messages que vous ne soutenez pas, un espace public avec des gammes dont vous ne voulez pas, ce qui fait qu’il n'y a plus de place pour un présentoir de brochures, par exemple, ou un espace de test, un coin dédié au diabète... Il faut partir des besoins des patients, de l'équipe, de la pharmacie. Voilà votre point de départ. Que veut le client ? Puis vous effectuez des choix. Le patient ne vient pas pour voir du vernis sur le comptoir ou obtenir une carte de réduction, mais pour une conversation amicale, une bonne explication, une approche personnelle, des personnes compétentes (pharmaciens et assistants), la confidentialité, la transparence, l'accessibilité, la qualité,... La transparence ? Je pense ici surtout à la vitrine. Dans les magasins, la plupart sont transparentes, comme dans les magasins de chaussures. Vous signalez ainsi: « C’est beau. Ici, il y a du monde. Ce que nous avons est intéressant. » Cela vous permet aussi de dire bonjour aux passants d’un signe de tête. Mais pour certaines pharmacies, on ne voit presque pas à l'intérieur, parce que l’étalage est plein de pancartes. En général, il s’agit de publicités pour des produits cosmétiques ou de soin de la peau. Mais en tant que pharmacien, vous représentez tout de même plus que cela ! Pourquoi ne pas faire un étalage thématique, axé par exemple sur la vaccination contre la grippe ou les ENM ? Cela correspond mieux à la profession. Et du point de vue commercial, c’est même beaucoup plus intéressant. Mais si vous pouvez faire décorer votre étalage gratuitement par une société... Gratuitement ? Détrompez-vous. Vous consacrez votre temps à des représentants et vous achetez des produits... La transparence ne concerne pas uniquement la vitrine ? “Le comptoir aussi. Actuellement, je travaille dans une pharmacie à Koersel. Nous orientons notre écran vers le client. Cela rassure. Et cela donne l'occasion de montrer une courte vidéo avec des instructions d’inhalation, par exemple. Et le fait que le client puisse voir le prix du pharmacien, personne n’en a encore jamais parlé. Par ailleurs, je crois aussi à la transparence commerciale avec l'équipe. Beaucoup de propriétaires préfèrent ne pas donner d’informations sur la situation financière de la pharmacie. Qui sait, ils pourraient demander une augmentation ! Or si vous informez les membres de votre équipe, ils se sentent plus impliqués et prennent leurs responsabilités. Quand ils savent que ça se passe bien, cela les motive aussi. Surtout si vous prévoyez un bonus. C'est non seulement bénéfique pour l'implication et le chiffre d’affaires, mais aussi pour la satisfaction au travail et les soins des patients. Vous parliez aussi de confidentialité ? Supposons que vous soyez assis dans la salle d'attente d'un cabinet médical et que l'un des médecins laisse sa porte ouverte, si bien que tout le monde dans la salle d'attente peut entendre qu'un patient souffre d'hémorroïdes ou de quoi que ce soit d’autre. Vous seriez d’accord ? La confidentialité est une question épineuse en pharmacie, à laquelle on accorde souvent trop peu d'attention. La confidentialité tranquillise. Elle permet au patient de se sentir à l'aise. La confidentialité est une condition importante dans le cadre de la fourniture d’informations, ce qui est nécessaire pour de bons soins pharmaceutiques. En ce qui concerne la confidentialité, pensez-vous au comptoir ? Oui. Bien que je pense que « comptoir » soit un mauvais terme. Cela me fait penser à un café: là-bas, l’objectif est que chacun puisse tout entendre. Ce n’est pas le cas en pharmacie. Des zones séparées au comptoir offrent davantage de confidentialité. Le comptoir est la zone clé de la pharmacie, mais il est souvent supplanté par l'espace public. Comment cela se fait-il ? Parce que les sociétés favorisent celui-ci. Elles l'estiment plus rentable. Lors d’un salon, j’ai un jour demandé à des installateurs: « Quel est le pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par les articles que le client peut prendre luimême dans l'espace public ? » « Plus de la moitié, » m'ont-ils répondu. C’est absurde. La réalité est que 90% du chiffre d’affaires sont générés par des médicaments et du matériel médical rangé dans les armoires. Si vous vous consacrez à ces 10% restants et que vous les faites augmenter de 30%, vous gagnez 3%. Mais si vous faites augmenter ces 90% de 10%, en donnant plus d'explications et en accordant une grande attention à la confidentialité, vous gagnez 9%. Dix clients de plus par jour, c’est réalisable. Avec de bons soins pharmaceutiques, vous pouvez dans la plupart des cas faire augmenter sérieusement le chiffre d'affaires. Les soins pharmaceutiques nécessitent du temps. C’est souvent l'argument pour ne rien faire: « Je n’ai pas le temps » ou « Je n’ai pas la place. » Mais je vois aussi beaucoup de perte de temps: recevoir des représentants de cosmétiques, exposer, suivre et épousseter des produits, changer les prix, renvoyer, créditer,... Et cela occupe aussi beaucoup d'espace. Ne restez pas coincés au « Oui mais ». Perdez moins de temps avec des choses dirigées. Je suis convaincu qu’avec un bon esprit d'équipe et une vision ouverte, en concertation et sur la base des besoins, vous pouvez vous profiler de manière très orientée sur le patient et, en même temps, très concurrentielle. Erik Beerten


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