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Placer la Santé Publique et l’intérêt du patient au cœur du débat : oui, c’est bien là tout l’enjeu aujourd’hui!

Article publié 17-05-17

Quelles sont les vraies raisons de tout ce ramdam ? Quelle est la stratégie poursuivie ?

Le modèle du low-cost ne parviendrait-il pas à décoller en Belgique qu'il faille s'offrir pareille publicité à bon compte ? Et ce, sur la base d'une enquête dont les conclusions sont critiquables et conduisent à des amalgames qui démontrent une méconnaissance du secteur des officines ouvertes au public et une forme de populisme qui, en ce moment, a le vent bien en poupe. Car toutes les « propositions » formulées servent bien entendu les seuls intérêts de l'enseigne.

De quoi s'agit-il ?

1. 

Medicare Market plaide pour une libéralisation de la publicité ? Or, aujourd'hui, cette enseigne utilise déjà largement la législation actuelle pour faire de la publicité pour ses magasins (dont certains sont adossés à une pharmacie), en toutes boîtes notamment, ce qui est, c'est vrai, interdit pour les pharmacies ouvertes au public.

Pourquoi le législateur belge a-t-il voulu interdire la publicité pour les pharmacies ?

Parce qu'il n'est pas souhaitable que la santé devienne un commerce comme les autres. La marchandisation des médicaments comporte bien des dérives potentielles et il y a une part de responsabilité  qu'il faut assumer dans l'intérêt de la santé publique. Tout médicament comporte une part de risques s'il est mal utilisé ou utilisé dans un contexte où il devrait être proscrit. Le coût de la prise en charge d'un effet indésirable ou d'un accident lié à une mauvaise utilisation dépasse largement le gain potentiel d'une ristourne sur le prix d'achat.

Ce sera toujours l'éternel combat entre la santé et le monde du profit. Car ne nous y trompons pas : à service égal, la baisse de prix doit être compensée par une augmentation du volume de vente.

2.

En Belgique, les médicaments non soumis à prescription peuvent être visibles pour le public dans les officines mais ne sont pas en accès libre. Et alors ? Dans ce pays, on privilégie l'accompagnement et les conseils à la vente pure et dure.

3.

On affirme qu'une baisse de prix de 20% sur les médicaments non remboursés permettrait de libérer une marge de plusieurs centaines de millions d'euros qui pourraient être injectés dans la sécurité sociale. La différence entre un pharmacien et un homme d'affaires, c'est que le pharmacien sait que ces deux budgets n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Ce n'est pas parce qu'on diminue les prix des MNSP que la sécurité sociale va disposer de nouveaux moyens. Les médicaments non remboursés, comme leur nom l'indique, ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale mais sont à charge du patient.

Par contre, si ces médicaments sont utilisés de manière inappropriée ou surconsommés alors oui, la sécurité sociale risque d'être impactée. Chaque année, un nombre important d'hospitalisations est lié à des problèmes liés aux médicaments (on dénombre 42.000 admissions/an pour un budget de 200 mio €). Ces problèmes sans doute encore bien sous-estimés ont d'ailleurs fait reculer de nombreux pays en termes de libéralisation sur les médicaments en vente libre.

4.

Si on demande à une centaine d'individus s'ils souhaitent payer moins d'impôts, 100 % vont répondre oui. Si on demande à ces mêmes 100 personnes s'ils paient trop chers leurs médicaments, ils vont pour la plupart répondre oui. Mais a-t-on posé une question sur la qualité du service, la proximité et l'accessibilité ? Il faut toujours savoir que le prix d'un médicament non remboursé inclut le service. Si demain, toutes les pharmacies du royaume disparaissaient, combien les gens devront-ils payer pour recevoir leurs médicaments ? Est-ce que les plus pauvres seraient livrés ou se contenterait-on de livrer les bons payeurs ? Quand les lois du marché et de la rentabilité absolue domineront le monde de la santé, qu'en sera-t-il de l'accessibilité et de la sécurité des consommateurs ? 

5.

Les prix sur les médicaments non remboursés sont des prix indicatifs. Quel pharmacien ne fait pas aujourd'hui de ristourne, les promotions sur les produits de santé sont-elles absentes des pharmacies ? Quand un médicament apparaît comme trop cher, le pharmacien n'est-il pas le premier à conseiller des alternatives moins chères ? Combien de pharmaciens ne trouvent pas des solutions pour des patients aux faibles revenus ? La solution globale à l'inégalité passe par des principes de solidarité, de justice, d'accessibilité et d'équité (Etude de la Fondation Roi Baudouin : Solidarité et droit aux soins de santé mars 2015). Mais avec les marchands, nous ne parlons sans doute pas du même monde ni de la même vision de la santé, de l'accès aux soins et de l'intérêt public.  

6.

Tout ceci s'inscrit clairement dans une stratégie qui vise à libéraliser la délivrance des médicaments et, in fine, à supprimer le monopole de dispensation des médicaments. Dans le cadre de cette stratégie, l'intérêt financier de la population est souvent mis en exergue. C'est pourtant une vision court-termiste. Au-delà de la poudre aux yeux, il faut aujourd'hui se poser les bonnes questions et penser à l'intérêt de la population et de l'organisation des soins sur le long cours. Car une telle libéralisation ne se fera pas sans déstructurer complètement le secteur. Du fait, notamment, du vieillissement de la population, les Etats vont être de plus en plus durement confrontés à des défis gigantesques en termes de financement et d'accessibilité aux soins. Or la contribution du secteur des pharmaciens, au travers des services proposés en officine, est indéniable. 

Mener une politique court-termiste qui ferait l'impasse sur cette contribution en cédant aux sirènes du marché n'est certainement pas une vision responsable pour l'avenir. Notre profession n'est pas figée sur ses acquis. Au contraire, elle souhaite évoluer et le cadre pluriannuel signé à la mi-mars avec la ministre fédérale de la Santé en est la preuve concrète. Ce cadre soutient précisément la mise en œuvre de nouveaux services en pharmacie accessibles et essentiels pour l'efficience et le bon usage des médicaments. Dans toute réflexion prospective, la qualité des soins et une consommation raisonnée dans l'intérêt des patients et de la collectivité doivent primer. Sur ce plan, nous devons tous rechercher cette cohérence qui permettra une meilleure organisation des professionnels de la santé, notamment au niveau de la première ligne des soins dont les pharmaciens d'officine font pleinement partie. 


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