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Autotests : intégrer les évolutions dans nos pratiques

Article publié 07-02-17

Les autotests débarquent en Belgique, c'est une évolution incontournable, qu'on l'admette ou non. Et cette tendance va encore s'accentuer à l'avenir avec la diffusion de technologies mHealth de plus en plus performantes. A leur arrivée, les tests de grossesse, qui sont aussi des « autotests »,  avaient déclenché une réaction très négative de la part du corps médical. Qui oserait les remettre en cause aujourd'hui ? Le dépistage communautaire du cancer du côlon a-t-il provoqué un tollé ? Ne vaut-il pas mieux réfléchir à la manière d'intégrer au mieux ces évolutions dans nos pratiques professionnelles plutôt que de les nier ou d'essayer vainement de s'y opposer.

Les autotests sont réalisés par le patient lui-même, à domicile (conformément à leur définition légale). Ils utilisent pour la plupart des techniques d'immunochromatographie très sensibles et spécifiques, qui en garantissent la fiabilité. Leurs résultats ne donnent toutefois qu'une indication, jamais un diagnostic. Le fait de référer à son médecin une personne qui a réalisé un autotest constitue-t-il un exercice illégal de la médecine ? Quelles données tangibles permettent d'affirmer que cette pratique va entraîner une explosion des coûts en santé ? La décision de poursuivre l'investigation et de faire réaliser des examens complémentaires dépend de l'anamnèse du médecin (avec ou sans autotest d'ailleurs).

Ne peut-on pas affirmer, au contraire, qu'une orientation précoce va permettre des prises en charge plus rapides, et donc moins lourdes qu'en cas de diagnostic tardif ? Et que les économies potentielles seront, sans doute, bien plus importantes ?

En France, où l'autotest de dépistage du VIH est en vente libre en pharmacie depuis septembre 2015, une étude révèle que 40% des personnes ayant effectué un autotest déclarent qu'il s'agit de leur premier dépistage. Parmi ces primo-testeurs, 55% affirment qu'ils ne seraient pas allés en centre de dépistage si l'autotest n'avait pas été disponible en pharmacie. Et pour les 60% ayant déjà effectué un test de dépistage auparavant, celui-ci remontait, en moyenne, à trois ans et demi (preventionsida.org).

Les pharmaciens centrent leurs activités sur le bon usage des médicaments, certes, mais la pharmacie d'officine est aussi le centre de santé le plus accessible à la population. En Belgique, chaque jour, un demi-million de personnes poussent les portes d'une pharmacie. Deux tiers d'entre elles y vont exposer leurs plaintes en santé qu'elles jugent mineures. La pharmacie est depuis longtemps un centre d'orientation pour la population. Ce phénomène est souvent sous-estimé parce que les pharmaciens ne l'objectivent pas. Le développement du dossier pharmaceutique standardisé et des formations spécifiques devraient y remédier. 

Faudrait-il que ces autotests soient « vendus » en grande surface ou en dehors des pharmacies pour qu'il y ait moins d'opposition ? Le problème, est-ce l'autotest ou le pharmacien ?

Ces nouveaux outils de dépistage précoce ne prouveront leur plus-value que si leur dispensation est encadrée. Les publics cibles doivent être clairement définis. Faut-il délivrer un autotest de détection de l'hémoglobine dans les selles à une personne de 30 ans qui le demande ? Une personne ayant des antécédents familiaux de cancer colorectal doit-elle être suivie grâce à un autotest ? Une personne ayant eu une relation à risque la veille doit-elle recevoir un autotest de dépistage du VIH ? Non, non, et non !

Pour que ces autotests donnent des résultats fiables, il faut respecter scrupuleusement leur mode d'emploi. Celui-ci doit être expliqué ! Le pharmacien possède clairement les compétences pour le faire.

Et finalement, quelle attitude adopter en fonction du résultat ? Que va faire une personne seule, chez elle, face au résultat d'un autotest ? Ne vaut-il pas mieux lui avoir donné au préalable le maximum d'informations et la voie à suivre en fonction du résultat qui sera obtenu ?

Les autotests ne posent pas un diagnostic, ils permettent, pour certains groupes cibles bien définis, d'objectiver la nécessité d'une consultation médicale. C'est un phénomène neuf et il est évident qu'il faut bien accompagner leur dispensation, c'est pourquoi des formations sont programmées dans toute la Belgique pour les pharmaciens.

Ces nouveaux outils mis à la disposition des patients ne doivent pas opposer les médecins et les pharmaciens mais, au contraire, les aider à mieux collaborer. Aujourd'hui, il est plus que temps d'intégrer nos pratiques respectives et de renforcer la première ligne de soins. Au lieu d'opposer nos métiers, cherchons à en définir les zones de convergence. Et cherchons, ensemble, comment partager et intégrer au mieux ces évolutions dans nos pratiques, dans l'intérêt de la population.

Alain Chaspierre, vice-Président de l'APB

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