Journal de Pharmacie de Belgique - 101ème année n° 1 - mars 2019 43
littérature 21. Les épistaxis ne sont pas
traitées par des hémostatiques locaux,
comme Coalgan® qui était depuis 1962
un médicament. Les contusions ne font
pas l’objet d’application de médicaments
topiques antiinflammatoires ou à visée
anti-ecchymotique comme la teinture
d’Arnica, Synthol® ou Hémoclar®,
commercialisé depuis 1962. Plusieurs
personnages de Tintin sont victimes de
piqures d’insectes à l’évidence gênantes.
Pourtant aucun antihistaminique comme
la crème Phénergan®, commercialisée
en 1948, ou corticoïde comme la crème
Betneval®, commercialisée en 1964, ne
sont utilisés 22. Seul Milou bénéficie au
Congo d’une application d’une solution
cutanée qui le guérit instantanément des
oedèmes des piqûres. Les malaises ou
pertes de conscience ne bénéficient
pas de traitements supposés adaptés
à l’époque comme le Solucamphre® ou
le nicéthamide, disponible dès 1926 23.
Tintin et ses compagnons voyagent
de 1936 à 1976 en zone impaludée :
Congo, Amazonie, Inde, Chine, Népal,
Indonésie, … sans chimioprophylaxie
antipalustre apparente ce qui peut
surprendre dans la mesure où cette
attitude a été pratiquée dès le début du
20ème siècle 24 avant de se généraliser
après la 1ère guerre mondiale. Cette
absence peut toutefois s’expliquer
par les circonstances de certaines
aventures : ni l’expédition dans
l’archipel indonésien ni les escapades
en forêt amazonienne n’étaient
initialement prévues pour Tintin et ses
compagnons, qui ne devaient rester
qu’en zone urbaine ce qui ne justifiait pas
forcément de chimioprophylaxie. Lors
de troubles psychiques avérés (délire),
une hospitalisation dans un service
spécialisé est souvent demandée 9
mais aucun traitement médicamenteux
n’est entrepris, par le chloral par
exemple, connu dès le 19ème siècle, ni
par les premiers neuroleptiques après
1952 23. Les symptômes anxieux et
dépressifs ne sont pas non plus traités
par des médicaments. L’amnésie posttraumatique,
sans doute conversive, de
Tournesol dans Objectif Lune est traitée
par des moyens non pharmacologiques
alors qu’elle aurait pu bénéficier d’un
traitement anxiolytique 25 et que, à
l’époque (1954), les extraits de Gingko
biloba étaient prescrits dans les troubles
cognitifs du sujet âgé 26. Les plaies par
balle entraînent en général le recours à
la chirurgie, sans antibioprophylaxie ce
qui est logique pour les albums d’avant
1955, mais pas pour les suivants 27.
En cas d’immobilisation orthopédique,
aucun traitement antithrombotique
n’est associé, mais tous les cas sont
antérieurs aux années 1990 où ce
sujet a commencé à être débattu 28.
Le mal de mer n’est traité dans l’Étoile
mystérieuse que par des petits moyens
comme la position allongée. Il est
notable qu’en 1942, date de parution
de cet album, les antihistaminiques
n’avaient pas leur place dans cette
situation puisque Nautamine® et
Phénergan® n’apparaissent qu’à partir
de 1949 23, mais l’alcool de menthe
était envisageable. Lors de l’expédition
de Tintin dans la chaine himalayenne
en 1963, l’oxygène n’est pas employé
pour prévenir l’hypoxie des alpinistes.
Pourtant, les premières expéditions
en très haute montagne employant
de l’oxygène ont été rapportées dès
1922 29. Par ailleurs, la question de
l’hypoxie et de son traitement est
présente dans les deux albums relatant
l’expédition sur la Lune. Le coryza
persistant du milliardaire Carreidas
n’est pas soigné, que ce soit par des
antihistaminiques, une désensibilisation
ou des sympathomimétiques
locaux. Certes, cela correspond
aux recommandations actuelles 30
mais en 1968, les gouttes nasales
type Balsamorhinol®, sur le marché
depuis 1934, sont encore utilisées,
en France tout du moins. Enfin deux
personnages de Tintin sont affectés
Étude