par des maladies chroniques et ne font
l’objet, pendant un temps assez long,
d’aucun traitement spécifique. Haddock
présente une addiction à l’alcool et
Tournesol une forte hypoacousie ou une
surdité. Le traitement de l’hypoacousie
de Tournesol n’est envisagé que par
des dispositifs médicaux et non par des
médicaments « anti-ischémiques »,
indiqués dans cette circonstance au
moins dans la deuxième partie du
20ème siècle 31. L’addiction du Capitaine
Haddock qui apparait dans Le Crabe aux
pinces d’or ne fait l’objet d’un début de
traitement médicamenteux, et encore
« contre son plein gré », que dans
Les Picaros près de 40 ans plus tard,
longtemps après l’arrivée sur le marché
du disulfirame 32.
S’agissant des évolutions au cours du
temps, nous avons repris la distinction
de Numa Sadoul 12 en trois périodes :
avant le Lotus où les planches dessinées
étaient réalisées semaine après
semaine sans scénario d’ensemble,
la série classique du Lotus jusqu’au
Tibet non compris et les albums à
portée spirituelle ensuite. On relève
une augmentation de la présence
des médicaments : 1,3 médicament
par album avant le Lotus, 1,9 dans la
série classique, 3,0 à partir du Tibet.
Il est intéressant de noter la part
prépondérante des albums précoces
dans les traumatismes crâniens ainsi
que leur manque de réalisme : dans Au
pays des Soviets, l’explosion survenue
dans le train vers Berlin entraîne la
disparition de 218 passagers et la
destruction de 14 voitures sans que
Tintin en soit affecté et, dans Tintin
en Amérique, le choc violent d’une
locomotive contre une charrette de foin
n’a pour conséquences que quelques
déchirures de vêtements sans atteintes
corporelles.
Tous les personnages principaux,
héros récurrents, n’ont pas les mêmes
interactions avec le médicament. Le
Capitaine Haddock, pourtant apparu
tardivement dans les Aventures,
est le personnage le plus impliqué,
essentiellement en tant que patient ou
sujet d’expérimentation, principalement
en tant que ressort comique. Tintin et
Tournesol, à l’inverse, interviennent de
manière plus active, soit en administrant
le médicament comme Tintin, archétype
du personnage responsable, soit
en le concevant, le produisant ou
le conseillant comme Tournesol,
personnifiant le savoir.
Conclusion
Les Aventures de Tintin présentent
une image certes riche du médicament
mais datée et quelque peu déconnectée
de la réalité. Marqué par l’époque
coloniale d’avant la 2ème guerre
mondiale même pour les albums les
plus récents, le médicament semble
d’action immédiate, quasi-magique, et
relève davantage d’une invention géniale
que d’une recherche systématisée. Sa
représentation quasi parodique oscille
entre un produit banal et un objet de
recherche, entre un emploi détourné
comme toxique et un usage d’antidote,
n’ayant au fond qu’un rôle limité dans
le traitement des véritables maladies.
Découvert par des savants isolés, peu
prescrit, jamais dispensé, rarement
administré par des professionnels, il ne
trouve une place clinique que dans les
soins de petite urgence et la pharmacie
vétérinaire. Détournements, mésusages,
contrefaçon, vol, présentations
erronées, méprises, … abondent, autant
de marques du faux. Le médicament
apparaît moins comme une partie
réaliste du décor de l’aventure que
comme un outil narratif, partie prenante
de l’intrigue imaginaire.
Adresse de correspondance
Pharm D. Bruno Edouard
Service Pharmacie, HIA Percy
101 Avenue Henri-Barbusse, BP 406
92141 Clamart Cédex
bedouard@club-internet.fr
Conflit d’intérêt
Aucun.
Journal de Pharmacie de Belgique - 44 101ème année n° 1 - mars 2019
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